mardi 29 mars 2011

Recherche New Yorkaise désespérément: Chapitre 3


Chers tous,

La suite de mon enquête de terrain, "Recherche New Yorkaise désespérément". Pour ceux qui ne les auraient pas déjà lus, cliquez sur ces liens pour l'introduction et le chapitre 1, et le chapitre 2! 

Observation #4: La New Yorkaise et son Prince Charmant (bling bling not optional). 

Je ne vais pas réécrire ici mon mémoire de fin d’études (et je viens d'en publier un extrait sur ce blog) pour planter le contexte de la situation de la femme aux États-Unis dans les années 1950, mais permettez moi de pousser des gros soupirs d'incompréhension devant certains aspects de la société américaine contemporaine qui feraient se retourner Betty Friedan dans sa tombe... Alors oui, de plus en plus, les New Yorkaises font des carrières flamboyantes et touchent des salaires astronomiques (voir Observation #3), au même titre que ces messieurs, however, il y a un comportement typiquement local que je me dois de pointer car il me paraît être un frein (si, si) aux progrès de la condition féminine. Je m'explique. 

Considérons ce phénomène de société tellement répandu dans la Grosse Pomme que pour les femmes ici cela doit être aussi normal que de se faire une manucure toutes les semaines (mais ce n'est pas normal non plus ça, right?), so let me rephrase, disons aussi normal que d'adorer Ben&Jerry's, ça vous va?... Les New Yorkaises ont la fâcheuse manie d'exhiber en public non seulement leur vie privée (voir Observation #2), mais également leur statut civil et leur position sociale... là où ça me saute le plus aux yeux, c'est dans le métro. Fiancée. Mariée. Mariée à un homme très riche. Vous voyez sûrement là où je veux en venir... La chose. 

La chose m'aveugle, la chose m'agresse. La chose me fait reconsidérer l'adage de Marilyn "Diamonds are a girl's best friend". La chose est à l'origine une magnifique pierre précieuse, mais la chose est devenue repoussante pas son arrogance et sa taille démesurée. La chose se porte même pour aller au supermarché ou à la salle de sport, correction, surtout pour aller au supermarché ou à la salle de sport. La chose que tout le monde doit voir. La chose que tout le monde, donc, doit avoir: the diamond, the rock, the sparkler, the dazzler, the engagement ring!

 L'énormité, la banalité, et la nouveauté (car il s'agit rarement d'un bijou de famille, mais je ne vais pas lancer ici un débat sur les blood diamonds) de ce symbole me choque. Lors d'un retour en France pour Noël, je suis allée me faire offrir une montre (merci Dad, et non pas merci Sugar daddy!) dans une petite bijouterie, de Province, où j'en ai profité pour jeter un coup d'œil à la taille des engagement rings made in France (et pas chez Cartier)... no comment! 

Quelle image de la femme le culte de la bague de fiançailles XXL nous renvoie-t-il? La New Yorkaise a abusé des contes de fées Disney étant enfant? En grandissant elle est devenue une working woman super-active, mais une romantique super-passive? Il y a quelques années de cela, une campagne de publicité américaine a fait du bruit en vantant les mérites de la bague en diamant pour la main droite, le bijou porté par les femmes modernes et indépendantes (sous-entendu, pas besoin de fiancé, elles peuvent se l'acheter elles-mêmes). Mais la tendance n'a pas pris. D'ailleurs, il suffit de jeter un coup d’œil au design actuel de ce site web pour en avoir la confirmation! Because, apparently, what women really want, c'est qu'on leur passe la bague au doigt (manucuré bien sûr). Comme dirait Beyoncé "You shoulda put a ring on it"... Et ces messieurs l'on bien comprit, pour les New Yorkaises, "size matters". 

Ce qui me désole le plus c'est qu'incontestablement la giga-bague de fiançailles est devenue plus qu'une preuve d'amour pure et dure et éternelle (comme un diamant). Jadis ce bijou avait une valeur financière explicite. Il représentait une sorte de filet de sécurité pour la mariée: en cas de coup dur, elle pouvait toujours le déposer au Mont de Piété... De nos jours, la plupart des épouses sont des femmes actives armées de cartes de crédit à leur nom. Alors quoi? Sans aucun complexes, on trouve une explication possible sur le site "Your engagement 101", qui annonce aux hommes qui se seraient perdus dans les méandres de l'internet que le prix de la bague doit prouver à leur fiancée (et au monde entier!) à quel point elle compte pour eux! Rétrograde, anyone? A New York, cette mentalité domine et The ring est devenue une épidémie, un incontournable, une protubérance. Conformité, quand tu nous tiens! Elle se porte, au même titre qu'un sac-à-main griffé (ou qu'une belle voiture), comme un marqueur social de richesse. Dans certains cas, elle coûte même beaucoup plus cher qu'un sac-à-main griffé (ou qu'une belle voiture!). 

Or, pour en revenir à ma référence aux années 1950, trouver un mari avec une bonne situation, n'était-ce pas le but ultime de la housewife de l'après-guerre? De profonds changements sociaux ont suivis, et pourtant, presque 50 ans plus tard, l'héroïne de Sex and the City, considérée comme une femme libérée, était toujours en quête de son riche prince charmant (ce n'est pas pour rien qu'il était surnommé Mr Big...) Et, aujourd'hui, le premier commentaire entendu lorsqu'une New Yorkaise annonce ses fiançailles n'est pas systématiquement "Congratulations!", mais plutôt "Show us the ring"! 

Tout ça me dépasse et me déplaît assez, je dois dire (non je ne suis pas jalouuuuuuse!). C'est pourquoi, depuis que je vis à New York, je cherche à comprendre toutes les significations de ce cadeau qui ne se plie surtout pas au principe de "c'est l'intention qui compte". Et je ne suis pas la seule à être intriguée. Le mystère des 4 Cs (Clarity, Color, Cut, Carat) n'est pas prêt d’être résolu...

En attendant, si c'est votre CCCCup of tea, et que, comme la plupart des New Yorkaises fiancées et mariées, vous n'oseriez pas vous montrer au grand jour sans au moins la valeur d'un mois à un an de salaire investie par l'élu de votre cœur pour décorer votre doigt, c'est selon, j'ai compilé pour vous une liste de mes conseils en V.O que l'on pourrait intituler "The Ten Commandments of the Urban Princess"... 

1. Find the Prince. Soyez aux aguets, il y a des signes qui ne trompent pas: un costard de qualité sur Wall Street, un corps naturellement bronzé dans les Hamptons, une photo de profil chiadée sur JDate.com... Peu importe. Une fois que vous l'aurez trouvé et envoûté, plus personne ne se rappellera des détails oh combien insignifiants de votre rencontre comparés à la taille de The Ring.

2. Follow your new motto. Répétez après moi. "L'amour est aveugle": incorrect. "L'amour rend aveugle": correct. Bah oui forcément, vous avez vu ce caillou? Éblouissant!!!

3. Learn the basics. Princess shape, cushion shape, teardrop shape, what?#&@? Vous êtes perdue, don't panic. Enfilez-vous le dernier épisode des 15 saisons du Bachelor U.S et je vous garantis qu'au moment de vous faire offrir votre bague, toutes les formes possibles de ce bijou très spécial n’auront plus aucun secret pour vous.

4. Look up to the stars. En 2004, Hilary Duff se lance au cinéma avec le film-véhicule A Cinderella Story, quelques années plus tard, elle rencontre son prince dans la vraie vie et ne dit pas non à une bague estimée, gloups, à un million de dollars. Un exemple à suivre!

5. Fake it if you must. Si je scrute l'annulaire de mes collègues de travail de sexe féminin, je peux reporter que celles qui sont mariées, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, arborent un gros caillou brillant. L'exception étant la minorité qui ne porte qu'un simple anneau en or. Notons que l'une est remariée, la seconde est British, et la dernière est d'origine japonaise (d'après une recherche rapide sur Google je découvre que les Japonais ne sont traditionnellement pas trop bagues de fiançailles)... Conclusion-carrément-pas-scientifique: Je soupçonne certaines de porter de la pierre gonflée aux amphèts '(hello Chinatown!) 

6. If you want something done right, do it yourself. Si malgré tous vos efforts vous êtes dans l’incapacité à trouver un mari avec un compte en banque plus fourni que le votre, rien ne vous empêche discrètement (pas comme Britney Spears) de vous acheter la bague vous-même ou de vous la faire payer par un sponsor d'une émission de téléréalité (The Bachelor, bis).

7. Cinderella who? La New Yorkaise aspire à être une princesse "moderne". Comme ma colocataire, elle a une carrière parfois plus prenante que Monsieur, alors il faut s'adapter. Elle ne fait pas faire la lessive, elle la "drop off". Elle ne fait pas la cuisine, elle la "pick up". Elle ne fait pas le ménage, elle "don't know". Et là c'est la coloc française, moi, qui s'y colle, grrr. (Really, she's off to be a very desperating housewife in my opinion).

8. Think big. The engagement ce n'est que le début des vos dépenses de couple. Si vous avez réussi à impressionner les copines et le tout Manhattan avec votre bague, bravo, mais sachez qu'elles vous attendront au tournant. Alors ne pas lésiner sur la cérémonie de mariage, car il vous faudra recevoir en grandes pompes. Votre entourage est trop superficiel à votre goût? But dear, on ne choisit pas sa famille, mais on choisit ses amis...

9.Wear it like you mean it. Ne jamais retirer la bague, car même si vous êtes habillée en jogging informe pour aller promener le chien, tout de suite le diamant vous confère une aura de richesse, d'élégance, d'assurance. Et avec ça, n'oubliez pas de ramasser les crottes, parce qu'on est à New York tout de même... 

10. Forever bling. A une époque où le taux de divorce n'a jamais été aussi haut, peut-être votre fiancé vous fera-t-il signer un contrat prenup avant de vous passer la bague au doigt. Mais ensuite, quoi qu'il arrive, it will be all yours! Et comme on le sait déjà, "Diamonds are a girl's best friend"... 

 

Rétrospective: "La New Yorkaise cherche son Prince Charmant (bling bling not optional)"
Breakfast at Tiffany's ( Blake Edwards, 1961) 
Princess Bride (Rob Reiner, 1987)
Muriel's Wedding (P.J. Hogan, 1994)
My Best Friend's Wedding (P.J. Hogan, 1997)
What Women Want (Nancy Meyers, 2000)
A Cinderrella Story (Mark Rosman, 2004)
Blood Diamond ( Edward Zwick, 2006)
Sex and the City (Michael Patrick King, 2008)

mercredi 23 mars 2011

Who's Afraid of Elizabeth Taylor?

Elizabeth Taylor and Richard Burton, Photo:  Life Magazine

Chers tous,

Elizabeth Taylor, so long. Elle était l’une des dernières légendes vivantes du cinéma classique hollywoodien, et mon côté cinéphile nostalgique en a pris un coup aujourd’hui. J’ai découvert ses “yeux violets” en Technicolor dans le film Ivanhoé que mon frère et moi nous repassions en boucle étant enfants. Quelques années plus tard, je me suis penchée avec attention sur certains autres des films qu’elle a tournés dans les années 1950. Si vous n’avez pas encore vu Cat on a Hot Tin Roof, il n’est pas trop tard pour bien faire ! Je me permets de publier ici un extrait de mon mémoire de fin d’études qui portait sur l’image de la femme au foyer dans le cinéma américain de l’après-Seconde Guerre mondiale. Cela ne vous surprendra peut-être pas de lire que la personnalité de la femme aux huit (!) mariages a transcendé des personnages de “femme de” qui lui étaient offerts à l’époque. Elizabeth Taylor restera pour moi une figure de l’anticonformisme féminin, une desperate housewife qui ne se laissait pas faire…

Le poids des dynasties sudistes : Produire un héritier

Dans Cat on a Hot Tin Roof et Giant, Elizabeth Taylor incarne une jeune épouse devant s’intégrer dans la famille étendue de son mari, et dont la tâche suprême est de prolonger la descendance.

Dans Cat on a Hot Tin Roof, Elizabeth Taylor joue Maggie, la femme d’un héritier d’une famille du sud, Brick Pollitt (Paul Newman). Si elle est capable de tenir tête à son époux, de le provoquer et de le défier pour tenter de le faire sortir de sa torpeur alcoolisée, ses rapports avec son beau-père son plus traditionnels. D’un côté, elle voudrait le satisfaire et tomber enceinte, ce qui par ailleurs prouverait que son mari a encore du désir pour elle. De l’autre, elle méprise profondément la seconde belle-fille de la famille Pollit qui a accouché de cinq enfants insupportables et qu’elle surnomme le “monstre de fertilité”. Maggie est prête à tout pour reconquérir les faveurs de son mari. Elle tente même de le rendre jaloux en flirtant avec le pater familias que tout le monde surnomme Big Daddy (Burl Ives). Mais celui-ci ne voit en sa belle-fille séductrice, Maggie “the cat”, qu’une mère potentielle : « Si c’est moi qui avait été marié à toi pendant trois ans, tu aurais eu la preuve vivante de mon amour, trois gosses et un quatrième dans le tiroir ! ».

Chez les Pollit, sexualité rime avec fécondité, c’est pourquoi Maggie détonne dans le paysage. Elle est incroyablement aguicheuse mais reste sans enfants. Le film fait planer des doutes sur la “virilité” de Brick, mais du point de vue des parents de ce dernier, c’est la faute de Maggie. Big Momma (Judith Anderson) lui demande avec rudesse : « Brick a commencé à boire depuis qu’il est marié. Est-ce que tu rends ton mari heureux ? ». Ce à quoi Maggie la rebelle répond aussitôt : « Et moi alors, personne ne me pose la question ? ». Mais la belle-mère de Maggie insiste : « Quelque chose ne va pas. Tu n’as pas d’enfants et mon fils boit ! Quand un mariage fonctionne, c’est au lit ! ». Ce genre de commentaire peut faire penser aux pressions qui s’exerçaient sur les épouses des rois d’Europe pour procréer à tout prix et donner naissance à un fils. Pourtant, l’autre belle-fille Pollit n’est pas choquée par cette vision rétrograde de la maternité : « Je suis fière de pouvoir dire qu’il y a une dynastie prête à prendre le relais grâce à moi ! ».

Dans cette famille aux valeurs traditionnelles, l’obsession des grands-parents est leur descendance, mais, paradoxalement, Big Daddy ne peut pas supporter les petits-enfants déjà venus agrandir la famille. Il semble toujours dans l’attente d’un héritier qui pourra assumer pleinement le nom familial et compte sur Brick et Maggie. Le couple a donc la charge importante de perpétuer la descendance, mais ne peut mener à bien cette tâche. Brick demande ainsi à sa femme : « Et comment tu vas faire avec un homme qui ne peut pas te supporter ? ». Maggie lui répond : « C’est mon problème ! J’y travaille… ». Finalement, la pression est si forte que Maggie fait le mensonge pieux d’une grossesse imaginaire, renouant par la même occasion avec son époux. 

Dans Giant, Elizabeth Taylor incarne à nouveau une épouse qui doit apprendre à vivre dans une famille aux valeurs conservatrices. Elle interprète Leslie, une jeune femme issue de la bonne société de la côte est des États-Unis. A la suite de son mariage avec Bick Benedict (Rock Hudson) qui possède un ranch au Texas, elle déménage et tente de s’adapter à un environnement initialement hostile. En effet, la soeur de Bick, Luz (Mercedes McCambridge), a du mal à s’accommoder de cet élément intrusif. Mais Leslie ne se laisse pas faire : « Je ne peux pas être une invitée dans la maison de mon propre mari ! ».

Elizabeth Taylor dans Giant (Warner Bros. Pictures) 

Cependant, elle abandonne volontairement une partie de son indépendance : acte symbolisé par l’exécution de son cheval, indomptable, qui a causé la mort de Luz. Elle essaye ainsi de faire plaisir à son époux, même si celui-ci a des vues assez réactionnaires sur la place des femmes en société. Par exemple, lorsque Leslie essaye en vain de prendre part à une conversation politique, elle est rapidement découragée : « Messieurs, vous vous comportez comme des hommes préhistoriques ! Qui a-t-il de si masculin dans votre sujet de discussion pour qu’une femme ne puisse intervenir ? ». Bick est très en colère que sa femme ait ainsi empiété sur son autorité.

Elizabeth Taylor dans Giant (Warner Bros. Pictures)

Néanmoins le couple trouve rapidement son équilibre, notamment quand Leslie annonce sa grossesse. Cette prérogative féminine constitue un devoir, mais surtout un pouvoir, réservé aux femmes. Le personnage joué par Elisabeth Taylor réussit à s’imposer face à Bick, mais son domaine d’intervention reste limité : les quartiers pauvres non loin du ranch et l’intérieur de leur maison. Même si, pour reprendre la remarque de Peter Biskind à propos de Pillow Talk, ce domaine n’est pas totalement insignifiant : « La décoration intérieure devient une métaphore de la capacité d’une femme à transformer un monde masculin, à modeler ses valeurs à son image à elle. »1. L’auteur ajoute que le film Giant célèbre la décrépitude du système patriarcal. Comme Bick finit par le dire à sa femme à propos de leur vie commune ou de l’éducation des enfants : « Fais comme bon te semble… »

Dans ce film, Elizabeth Taylor se rapproche autant que possible du modèle de la femme rebelle. Elle est capable de s’adapter lorsqu’elle devient membre d’une famille aux traditions ancestrales, sans pour autant renoncer à son droit d’émettre une opinion anticonformiste. Elle réussit à infléchir les idées conservatrices de son mari, accompagnant ainsi la transformation de la dynastie Benedict : la deuxième et la troisième génération ont une plus grand ouverture d’esprit. Dans les années 1950, Elizabeth Taylor réussit peut-être à reprendre le flambeau d’un certain type de personnages féminins, affirmés, indépendants qui semblaient avoir disparu des écrans depuis les années 1930. Dans les années de guerre froide, elle fait parfois figure d’exception, réussissant par exemple à incarner une héroïne qui ne plie jamais face aux hommes qui l’entourent dans A Place in the Sun, Giant, Cat on a Hot Tin Roof et Suddenly, Last Summer. Marjorie Rosen affirme que:

seule parmi les jeunes épouses, elle servit de figure positive sur grand écran pour le public féminin, incarnant une jeune femme aimante capable d’exprimer ses besoins et ses désirs. […] Et c’est cet ego, cet impatience, et cette implication personnelle, qui détonnaient avec les personnages trop parfaits de martyrs désintéressés… sanglotant et soufrant pour les hommes plutôt que pour elles-mêmes2.  

1. BISKIND, Peter, Seeing is Believing: How Hollywood Taught Us to Stop Worrying and Love the Fifties, New York, Henry Holt, 2000, page 290-291.
2. ROSEN, Marjorie, Popcorn Venus: Women, Movies and the American Dream, NewYork, Coward, Mc Cann and Geoghegan, 1973, page 264. Citée par BYARS, Jackie, All that Hollywood Allows: Re-Reading Gender in 1950s Melodrama, Chapel Hill, the University of North Carolina Press, 1991, page 98. 

Rétrospective:  "Who's Afraid of Elizabeth Taylor?": 
Father of the Bride (Vincente Minnelli, 1950)
A Place in the Sun (George Stevens, 1951)
Ivanhoe (Richard Thorpe, 1952)
Giant (George Stevens, 1956)
Cat on a Hot Tin Roof (Richard Brooks, 1958)
Suddenly, Last Summer (Joseph L. Mankiewicz, 1959)
Who's Afraid of Virginia Woolf? (Mike Nichols, 1966)

samedi 19 mars 2011

Recherche New Yorkaise désespérément: Chapitre 2


Chers tous,

La suite de mon enquête de terrain, "Recherche New Yorkaise désespérément". Pour ceux qui ne les auraient pas déjà lues, l'introduction et les Observations #1 et 2, c'est par ici.

Observation #3: La New Yorkaise ira très loin.

Dans la ville du dollar-Dieu et du capitalisme à outrance, l'individualisme est une vertu. Ceci est la conséquence, selon moi, de l'une des différences les plus fon-da-men-tales entre la France et les États-Unis: la liberté y est plus sacrée que l'égalité. Cette différence se répercute dans la vie quotidienne des expatriés à New York de mille et une façons plus ou moins déroutantes pour les Européens habitués à la philosophie du Wellfare State. Mais les New Yorkaises ont été biberonnées à cette vision du monde depuis leur plus tendre enfance: tu iras loin, et tu seras riche, ma fille! Miss Liberty montre l'exemple: ici tout est possible, mais c'est chacun pour soi.

Alors vous allez sans doute me dire que, sur le papier (sur le blog, si vous préférez), là je ne fais qu'énumérer des banalités évidentes, et que j'étais forcément au courant de tout cela avant de partir. Oui, et non. Car la subtilité est là justement: entre sur le papier et dans ma réalité quotidienne, il y a eu un océan à traverser. Comme si pour vivre à New York sereinement il m'avait fallu littéralement traverser l'Atlantique à la nage et, à mon arrivée, mouillée comme Snoopy à la sortie de son bain semi-annuel (un personnage désormais récurrent de mon blog, comme Charlie, à vous de le trouver!), on m'avait annoncé "Ça y ait vous avez compris! Maintenant allez profiter du 'rêve américain'". Trêve de métaphore, ce qui s'est réellement passé c'est que j'ai pris un avion Air France, je me suis trouvée une bonne confidente, et je me suis accrochée à mon passeport européen pour me donner confiance en me disant "Si quelque chose m'arrive, je peux toujours rentrer et aller chez le dentiste pour 20 euros".

Clairement ce n'est pas l'approche la plus pratique! Pour ceux qui me connaissent en personne cela va peut-être vous étonner étant donné que vous avez été témoins de mon amour inconditionnel pour la culture américaine depuis ma nuit des temps... au collège: Leonardo DiCaprio, Quicksilver et Alanis Morissette (OK, Canadienne, ça compte qu'à moitié); au lycée: le cheesecake, Douglas Kennedy et Urban Outfitter; à l'Université: Starbucks coffee, Edward Hopper et Elia Kazan (j'en passe et des meilleurs!) Vous avez également été témoins de mes aller-retour très réguliers vers la côte Ouest, Est, et même parfois au milieu. Mais ceux qui me connaissent bien savent aussi que je suis d'un naturel, disons, un peu stressée parfois, donc le choc culturel inédit que j'ai vécu suite à mon installation à New York ça été plutôt comme un électrochoc. Et c'est aussi pour ça que j'ai créé ce blog: pour ceux qui se demandent peut-être comment on apprend à vivre ici comme une New Yorkais born in the USA, sans visa de touriste, sans assurance maladie étudiante internationale de la SMERRA, sans riche mari à la BNP (no offence!), et sans cinq semaines de congés payés par an...

La New Yorkaise, elle ira très loin, donc. Tout simplement car elle a grandi ici! Voici une illustration concrète de cette évidence pas si évidente que ça, comme je viens de vous le démontrer. Prenons l'exemple du lieu de travail. Mon premier conseil pour vous, chers lecteurs, il faut manger ou se faire manger. Seriously! Au bureau, j'ai parfois l'impression d'être dans une jungle inhospitalière, où j'apprends chaque jour, petit à petit, comment survivre et, si tout va bien, moi aussi j'irai très loin. C'est frustrant, car je ne peux pas me fier à mes instincts naturels (complètement faussés par une enfance paisible au bord de la mer, où les seuls animaux un peu sauvages étaient quelques phoques.) Alors j'observe et je me force à suivre le mouvement.

Pour être plus précise, voici comment cet été (ah l'été au bureau!) j'ai réalisé quelque chose de très important. Attention, je vous préviens, vous allez sans doute complètement tomber des nues. Imaginons que vous ayez été embauché pour vos compétences, votre expérience, votre parcours scolaire sans faute, pour remplir le quotta affirmative action, ou que sais-je encore. Vous êtes motivé, prêt à travailler dur, good for you!... Mais personne ne va venir vous demander votre aide.

En effet, les Américains ont une conception de la productivité TRES différente de celle des Européens. Ici "déléguer" (un mot magique non?) est 1) Mal vu, ou 2) La plaie! (gros soupirs de mes collègues quand on leur annonce qu'ils vont devoir superviser des stagiaires). Sur mon lieu de travail, à part quelques exceptions, tout le monde est Américain et, à part ceux qui ne m'ont jamais parlé ou qui ne se sont jamais demandé pourquoi mes vacances sont systématiquement passées à Paris et autour, tout le monde sait que je parle couramment le Français ("D'oh!" comme dirait Hommer Simpson). Pourtant, deux de mes collègues ont préféré laissé leur toute nouvelle stagiaire écrire le brouillon d'un email en Français (l'idée était de l'envoyer à des institutions de francophiles à New York pour faire connaître certains de nos programmes), plutôt que de me confier directement cette tâche. Résultat: cette adorable stagiaire a certes vécu à Bastille pendant 6 mois, mais ça aurait été une insulte d'envoyer une telle missive à quiconque parlant ma langue natale. On s'est finalement décidé à me consulter à la dernière minute, j'ai réécris la traduction en partant de zéro en cinq minutes chrono, mais il était déjà trop tard et l'email n'a pas été envoyé à temps... Lorsque j'ai pointé cette incohérence à mes collègues, voici quelle a été leur réponse: "Our intern wanted to give it a shot"... Hum. Of course, la stagiaire voulait le faire elle-même, bien qu'en en étant incapable, c'est comme ça que l'on gravit les échelons à New York!

Je me rends compte un peu plus chaque jour comment les choses fonctionnent ici. Chaque employé un tant soit peu ambitieux (et si vous n'êtes pas ambitieux, circulez y'a rien à voir), que ce soit pour la gloire, ou pour un bonus plus ou moins indécent, va se mettre sur le dos un maximum de tâches et ne pas les partager. L'étalon de valeur n'est pas la qualité mais la quantité. Si vos fonctions vous font rester au bureau tard, si votre chef vous fait travailler le weekend, cela est perçu comme une "récompense" lorsque vous débutez votre carrière. La New Yorkaise se doit d'être une working girl with upward mobility, et il n'est pas considéré comme normal de rester au même poste plusieurs années d'affilée sans promotion. Certaines retournent même à l'Université, et s'endettent encore et encore, pour obtenir un master ou un diplôme de "grad school" car cela est parfois la seule façon de monter dans l'échelle des salaires. Cette philosophie demande des sacrifices assez incompréhensibles pour nous les rois de la "qualité de vie" et "du bon-vivre" et de Plus belle la vie, (sur France 3, du lundi au vendredi à 20h10)... Les Français ont plusieurs occupations dans une journée: le travail, la famille, les amis, les hobbies, les tâches et les plaisirs domestiques, les sorties, Plus belle la vie, (sur France 3, du lundi au vendredi à 20h10) etc. Tandis qu'à New York "occupation" signifie uniquement la profession que vous exercez...

Pour conclure, je dirai que ces conceptions très différentes de la vie quotidienne ne sont pas forcément insurmontables, mais pour utiliser le jargon local, it can be very challenging! Alors chapeau bas à la New Yorkaise, je ne me fais pas de soucis pour elle, elle ira très loin.

Note pour la Française: Yes you can!

Rétrospective "Recherche New Yorkaise désespérément: Chapitre 2":
Working Girl (Mike Nichols, 1988)  
Clueless (Amy Heckerling, 1995) 
The Big One (Michael Moore, 1997)
The Devil Wears Prada (David Frankel, 2006)

samedi 12 mars 2011

Recherche New Yorkaise désespérément: Chapitre 1


Chers tous,

Comme toute New Yorkaise qui se respecte, j'ai plusieurs divorces derrière moi. Attention je ne parle pas de ma vie sentimentale, je parle de ma vie en colocation. Depuis mon arrivée à New York, ayant toujours été pourvue d'un budget limité (je travaille dans une NON-profit association), et dépourvue d'une line of credit rassurante (traduction ici), je fais de la sous-location. C'est extrêmement courant dans cette ville où les baux sont d'une durée minimum obligatoire d'un an, sans option de rupture avec préavis de départ. Pour en savoir plus sur mes colocations précédentes, toutes plus rocambolesques les unes que les autres, c'est par ici, mais pour l'instant, je dois vous parler de l'une de mes colocataires actuelles. Parce que ce c'est une New Yorkaise. Une "vraie". Même pas importée comme mes colocataires précédentes. Je ne m'entends pas mieux avec elle qu'avec les autres, malheureusement... C'est une question de personnalité, certes. Disons que je suis une colocataire awesone "si et seulement si" (pour utiliser un terme de mon bac S) vous me le rendez bien. Mais c'est aussi une question de culture.

Je vais donc en profiter pour tenter d'esquisser un aperçu de la New Yorkaise dans son habitat naturel. Je vous préviens tout de suite, ce portrait sera forcement une généralisation inexacte (je ne suis pas une sociologue armée de chiffres!), bien que j'ai quelques enquêtes de terrain derrière moi! Premièrement, j'ai passé un an dans une université Ivy League de la Côte Est. Étudier et m'intégrer à la vie d'un campus américain était une expérience que me tenait à cœur, je l'ai vécue pleinement. L'Université en question ne se situe pas à New York même, mais la majorité de ses diplômés y atterri, (et la majorité de la majorité à Wall Street). Je croise ici par hasard des visages familiers régulièrement, ou inconnus, courant sur les bords de la rivière avec le pull à capuche aux couleurs de notre ancien college. Deuxièmement, le stage, puis job, que j'ai trouvé à New York m'a immédiatement catapulté dans un environnement professionnel entièrement américain. Enfin, et ça c'est le plus important pour moi, ma meilleure amie "locale" est une New Yorkaise pure souche, une autochtone à la fois typique et merveilleusement unique en son genre; et mon meilleur ami sans "e", mon boyfriend pour utiliser la terminologie américaine, n'est pas seulement mon Américain, il est plus précisément un New Yorkais born and raised. Conclusion: je suis une Française qui  passe souvent des journées entières sans avoir une seule conversation en Français...

Pourquoi vous parler de la New Yorkaise? Parce qu'elle est encore plus voyante, bruyante et fascinante que le New Yorkais (même si, cela va sans dire, mon Américain m'a très fortement tapé dans l'œil la première fois que je l'ai vu!). Alors, éliminons tout de suite les abominables clichés avec un petit  ping-pong culturel où tous les coups sont permis. Vue de la France, la New Yorkaise est une créature pulpeuse, qui parle fort, qui a les dents grandes et blanches (pour mieux te manger mon enfant!), les cheveux longs et lisses, qui est prompte à l'enthousiasme excessif, qui est superficiellement chaleureuse, et chaleureusement naïve. Vue des États-Unis, la Parisienne est hyper sexuelle mais pas très sexy (une rumeur persistante nous décrit comme sales et poilues!), snob, voire mal polie, elle reste mince sans effort et sans se priver, et elle sait nouer un foulard comme personne. Forcement il y a un peu de vrai (pas de fumée sans feu, dirons-nous), mais tentons un portrait-mosaïque que, j'espère, la New Yorkaise qui parle Français (si si, il y en a) lira avec autant de plaisir et de titillement que j'ai ressenti en lisant ce livre d'une Américaine ayant vécu à Paris: Entre nous. 

Observation #1: La New Yorkaise ne craint pas les variations de températures extrêmes.

Pour tout anthropologue en herbe, il s'agit d'une observation de base: en général, ce que la New Yorkaise a, (ou n'a pas) sur le dos saute aux yeux dès que l'on sort de chez soi. Je dis bien en général, car il y a toujours des exceptions, prenez par exemple mon Papa qui, en visite à New York, a plutôt tendance à observer le style architectural dans les rues, et la population ornithologique dans les parcs (et là c'est le moment de me rétorquer que pour certaines, les New Yorkaise sont des pintades...) Anyway, je m'égare. Ce que je voulais dire c'est que--et au moins toutes les lectrices assidues de ELLE, seront d'accord avec moi je pense--mis-à-part la couche vestimentaire supplémentaire obligatoire qu'exhibe la New Yorkaise par temps de neige, si on pouvait la déshabiller comme un oignon (fantasme de certains, I know), on se rendrait compte que, quelle que soit la saison, la New Yorkaise porte toujours les mêmes vêtements de base, les basics. Elle est une inconditionnelle du legging, du petit haut avec un pas petit décolleté, et du sous-vêtement Victoria's Secret (je précise que mes observations de visu s'arrêtent avant d'atteindre cette sous-couche).

Or, toute personne qui a passé un tant soit peu de temps de ce côté-ci de l'Atlantique s'accordera avec moi pour dire que la météo locale est rude! Alors elle fait comment la New Yorkaise? En été, elle se régale avec la clim' au bureau, au Starbucks, au supermarché, à la salle de sport, au cinéma, en voiture etc. (vous avez pigé le truc), et, si elle doit affronter la température extérieure, elle se munit d'un café glacé. En hiver, quand le mercure commence à descendre, elle se love dans ses Ugg boots. Pour les occasions casual ou spéciales, été comme hiver, elle continue de porter des leggings sans rien par dessus la journée, et des robes sans rien par dessous le soir.

J'ai beau être parfaitement aware (comme dirait JC Vandamme) de toutes ces astuces, moi personnellement je ne résiste pas aussi bien que la New Yorkaise aux variations extrêmes de températures. Parfois, notamment au mois de Juillet, j'ai violemment chaud (à essayer, les plateformes de métro); mais la plupart du temps, j'ai désespérément froid, car à mon bureau il règne une température constante de 70 degrés Fahrenheit qui, au bout de quelques minutes passées immobile (forcément) devant mon ordinateur, me transperce systématiquement! Alors voici où cette observation me mène: après plusieurs étés et hivers passés dans la grosse pomme, j'en conclue que la New Yorkaise a le sang plus chaud que la moyenne. Bien sûr, la confirmation de cette hypothèse nécessiterait un examen sanguin, ce qui est au dessus de mes compétences de bloggueuse-apprentie-sociologue.

Cependant, quand on y pense, à la différence du Français où l'on utilise le verbe avoir, en Anglais, on dit I am hot or cold, comme si c'était un état permanent. Ah! Je vais vous laisser méditer sur ces subtilités sémantiques, mais avant cela, je me dois quand même de tirer la sonnette d'alarme. En effet, selon moi, l'indifférence de la New Yorkaise face aux changements de températures extrêmes est un véritable problème politique. Pourquoi selon vous les Américains sont-ils en moyenne moins sensibles que nous aux conséquences du réchauffement climatique? Et bien c'est peut-être parce qu'avec leur über température corporelle, ils ne sont pas capables d'imaginer, ne serait-ce qu'à l'échelle individuelle, ce que cela peut vouloir dire. C'est très grave! Blague à part, si j'en entends encore un (et là, en l'occurrence, il s'agissait du petit ami d'une New Yorkaise) me dire qu'il ne croit pas au réchauffement climatique, je lui envoie Al Gore pour vraiment lui mettre le chaud aux fesses ...

Note pour la Française: bien s'accrocher à sa petite laine.

Observation #2: La New Yorkaise n'a rien à cacher.

Prenons un cas d'étude que j'aurais préféré observer de loin... Pendant tout l'été dernier, ma colocataire New Yorkaise a fait le choix de dormir sur le canapé-lit du salon, sacrifiant ainsi toute forme de privacy, afin de profiter pleinement de l'air conditionné, absent dans sa chambre (en ce qui concerne la dépendance à la clim', voir Observation #1). N'oublions pas de mentionner qu'à cette époque là, elle vivait avec son boyfriend, un étudiant qui dormait plus tard que tout le monde. Du coup le matin, je devais me faufiler telle une carpe entre leur "lit" et le meuble télé pour accéder à la cuisine, avec vue sur le boyfriend précédemment mentionné, étalé sur le dos comme mon chien Snoopy quand il dormait d'un sommeil de bienheureux! Tout ça pour vous expliquer que les frontières du pudique sont bien plus poreuses dans ce pays. Un comble quand on sait que les Françaises ont la réputation d'avoir un comportement "de proximité" (promiscuous en V.O, si vous voyez ce que je veux dire). Et il en va ainsi pour la salle de sport (les seins nus des Frenchies à la plage peuvent aller se rhabiller!), la rue (voir Observation #1, again), la maison donc, et même le bureau, où je ne supporte plus qu'on m'informe, directement ou indirectement par la magie de l'open-space, des maladies du chat, des enfants, ou de la mort des proches de mes collègues.

Note pour la Française: abandonner le slogan "pour vivre heureux vivons cachés"?
  
Observation #3 et suivantes: Comme j'ai encore beaucoup de choses à dire à propos de cette intrigante, la New Yorkaise, je vous propose de lire la suite dans le Chapitre 2. Et, en attendant, tous vos commentaires sont les bienvenus! 

Rétrospective: "Recherche New Yorkaise désespérément: Chapitre 1":
The Women (George Cukor, 1939)
Desperately Seeking Susan (Susan Seidelman, 1985)
The Day After Tomorrow (Roland Emmerich, 2004)